Une nouvelle ère à l’horizon pour l’industrie éolienne québécoise

* Une première version de cet article a été publiée dans le Magazine Ressources Mines et Industrie.

 

La filière éolienne québécoise a connu l’essentiel de son développement au cours des deux dernières décennies. Avec près de 4 000 MW de puissance installée, l’industrie éolienne constitue un secteur d’activité important qui génère d’importantes retombées tant au plan financier qu’en terme de développement économique du Québec et de ses régions.

Au cours des dernières années, la stagnation du marché domestique et de l’exportation a entraîné un surplus de production chez Hydro-Québec. Résultat? Le développement de l’éolien a été mis sur la glace.

Tout porte à croire que les années à venir seront de nouveau prometteuses pour la filière éolienne québécoise. À l’instar d’autres pays, le Québec s’est doté d’une cible ambitieuse de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES), soit une réduction de 37,5 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990[1].

Pour répondre à cet objectif, la province mise notamment sur l’électrification des transports, des bâtiments et des industries. Il sera alors nécessaire d’augmenter la production d’électricité à partir de sources d’énergies propres comme l’énergie éolienne, l’hydroélectricité et l’énergie solaire.

Au début du mois de février dans le cadre du coup d’envoi du projet éolien Apuiat, le premier ministre François Legault et la nouvelle pdg d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, ont d’ailleurs ouvert la porte à d’éventuels appel d’offres. Les indicateurs semblent donc favorables à la reprise du développement éolien au Québec.

Portrait actuel de l’industrie

Au terme de quatre appels d’offres en énergie éolienne, le Québec compte actuellement 47 parcs éoliens sur son territoire, pour une puissance installée totale de 3 882 MW[2].

Au plus fort de leur développement, les projets éoliens québécois ont ainsi entraîné la création de 5 000 emplois à temps plein, dont plusieurs dans des entreprises manufacturières de la région de la Gaspésie‑Îles-de-la-Madeleine et de la MRC de La Matanie, et près de 1 000 à Montréal[3].

Carte des parcs éoliens au Québec

 

Des retombées économiques significatives pour le Québec et ses régions

La construction des parcs éoliens du Québec a entraîné des investissements de 10 milliards de dollars au cours des 20 dernières années. Ce montant inclut les adaptations requises au réseau de transport d’Hydro-Québec, les investissements dans les entreprises et le développement des parcs éoliens.[4] À eux seuls, les travaux de construction liés à l’installation des parcs éoliens ont entrainé des investissements de l’ordre de huit milliards $.

Contributions aux communautés

Force est de constater que les activités éoliennes sont très bien intégrées au sein des communautés en permettant notamment de multiples avantages financiers.

Actuellement, près de 70 municipalités, territoires non occupés et territoires autochtones hébergent un parc éolien en exploitation ou planifié[5].

Les versements aux différentes communautés atteignent près de 120 millions $ annuellement selon un rapport produit par Aviseo Conseil[6]. Ils prennent la forme de dividendes dans 56 % des cas.

Les redevances versées totalisent quant à elles 27,8 millions $ et représentent 23 % des versements aux communautés, alors que 23,6 millions $ sont payés pour des loyers, principalement au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) pour la location de terres publiques.

En 2018, avec 59,1 millions $ en versements de toutes sortes, les municipalités récoltaient environ la moitié de tous les montants versés. Les communautés autochtones devaient de leur côté percevoir plus du quart de tous les versements, soit un total de 34,4 millions $.

Par ailleurs, les versements au Gouvernement du Québec dans le cadre de baux pour les terres publiques devaient atteindre 15,6 millions $ selon le rapport d’Aviseo Conseil.

Un modèle de développement prolifique

Les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine tirent particulièrement bien leur épingle du jeu car elles ont formé des Régies intermunicipales de l’énergie qui se sont regroupées sous le consortium de L’Alliance de l’Est. Grâce à cette initiative, les 154 municipalités de l’Est-du-Québec sont maintenant copropriétaires à 50 % des parcs éoliens Roncevaux (près de la rivière Matapédia) et Nicolas-Riou (près de la ville de Trois-Pistoles).

Au total, c’est la région du Bas-Saint-Laurent qui reçoit le plus de versements aux communautés avec un montant totalisant 33,8 millions $.


Revenus gouvernementaux issus de l’exploitation des parcs éoliens au Québec

Les revenus annuels attendus par les gouvernements du Québec et du Canada sont estimés à plus de 32 millions $.

En 2020, au moment où les parcs éoliens installés et prévus ont atteint leur plein potentiel, le gouvernement du Québec devait engranger des revenus de 24,2 millions $, dont 8,9 millions $ en impôt sur le revenu des particuliers, 8,7 millions $ en taxe sur les services publics (TSP) et 1,2 million $ en cotisations au Fonds de services de santé (FSS)[7].

Le gouvernement fédéral pourra compter sur un apport total de 7,8 millions $, dont 6,3 millions $ en impôt sur le revenu des particuliers. Outre les cotisations au FSS, les montants de parafiscalité directs et indirects atteindront 8,9 millions $ pour les gouvernements fédéral et québécois. Ces montants ne sont toutefois pas comptabilisés dans les revenus des gouvernements.

Exportations des produits et services

L’industrie éolienne québécoise, qui regroupe plus de 150 entreprises québécoises, a su développer une panoplie d’expertises au fil des ans. Il s’agit d’ailleurs de la chaîne d’approvisionnement la plus développée au Canada.

Plusieurs de ces entreprises exportent leurs produits et services. Ainsi, l’expertise québécoise rayonne en tant que solution avant-gardiste pouvant contribuer à l’électrification d’autres marchés. À titre d’exemple, LM Wind Power, une usine de fabrication de pales établie à Gaspé, emploie près de 500 personnes et exporte actuellement 100 % de sa production.

De son côté, Techéol, une entreprise spécialisée en service technique et en maintenance de parcs éoliens, réalise 30 à 40% de son chiffre d’affaires hors Québec. Ses 130 employés desservent neuf provinces et états américains et ont réparé plus de 2 000 éoliennes.

Parc éolien de Baie-des-Sables

 

En l’absence de développement éolien au Québec au cours des dernières années, les développeurs et opérateurs québécois se sont eux aussi tournés vers l’étranger. Des pionniers comme Innergex énergie renouvelable et Boralex ont mis en service plusieurs infrastructures énergétiques hors de nos frontières, principalement dans le secteur de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire et de l’hydroélectricité.

Innergex a construit et acquis des installations au Canada, aux États-Unis, en France et au Chili qui totalisent 2 742 MW, dont 1 575 MW d’énergie éolienne.  Le marché canadien compte 1454 MW de puissance installée nette, suivi des États-Unis avec 916 MW, de la France (221 MW) et du Chili (151 MW). Le producteur indépendant planche également sur de nombreux projets potentiels à différents stades de développement. Bien qu’il n’y ait aucune assurance que ces projets voient le jour, ils représentent néanmoins une puissance installée nette combinée de 6 871 MW.  Parallèlement, Innergex et Hydro-Québec ont créé une alliance stratégique dans le domaine de l’énergie renouvelable qui leur permettra d’investir conjointement dans des projets d’envergure.

De son côté, Boralex développe, construit et exploite des sites de production d’énergies renouvelables d’une puissance installée de 2 067 MW[8]. De ce nombre, 1 006 MW se trouvent en France, 980 MW au Canada et 81 MW aux États-Unis. Les projets en construction ou prêts à construire représentent 97 MW additionnels et entreront en service d’ici la fin de 2023, tandis que le portefeuille de projets sécurisés représente 181 MW[9].

Une filière à coût compétitif

L’énergie éolienne est actuellement l’option la moins coûteuse parmi les nouvelles sources d’électricité, et ce, sans subvention selon un rapport de la firme Lazard[10]. Selon une étude réalisée par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) en juin 2018, le coût mondial moyen pondéré des parcs éoliens terrestres a diminué de 71 % en 35 ans grâce aux avancées technologiques[11]. Cette tendance à la baisse devrait d’ailleurs se poursuivre mondialement, selon Bloomberg, qui prévoit une chute du prix de l’énergie éolienne de 48 % d’ici 2050[12].

Au Canada et Québec, la diminution des prix a également été remarquée au cours des dernières années.  En 2017, un appel d’offres en Alberta pour un approvisionnement d’électricité a mené au plus bas prix jamais payé pour de l’énergie éolienne au pays, soit 3,7¢/kWh. En 2018, le prix moyen des propositions d’un appel d’offres en Saskatchewan a été de 4,2¢/kWh et le prix du projet sélectionné est en deçà de 3,5¢/kWh.

Le 4 février dernier, le gouvernement Legault a donné son aval à la réalisation du projet de parc éolien Apuiat. Ce projet de 200 MW réalisé par les communautés innues de la Côte-Nord et Boralex se réalisera au coût de 6,0 ¢/kWh, soit le prix le plus compétitif de tous les parcs éoliens au Québec.

On peut donc s’attendre à ce que le coût de l’énergie éolienne d’un éventuel appel d’offres en énergie éolienne au Québec figure également parmi les plus bas observés[13].

Au cours des derniers mois, le contexte énergétique, la position et le discours public du gouvernement Legault et d’Hydro-Québec concernant l’énergie éolienne ont évolué favorablement. L’entente conclue avec le Massachusetts et les intentions des autorités de l’État de New York de conclure un contrat d’approvisionnement avec Hydro-Québec changent la donne, tout comme les besoins domestiques pour accroître la production en serre, la réalisation de projets de transport collectifs électriques et de centres de données.

De nouveaux appels d’offres à venir d’ici la fin 2021

M. Legault et Mme Brochu ont d’ailleurs clairement indiqué lors du lancement du projet Apuiat qu’il y aura éventuellement des appels d’offres pour répondre aux nouveaux besoins d’Hydro-Québec. Ils ont également reconnu que l’éolien est bien positionné pour tirer son épingle du jeu.

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs annoncé le 14 juillet, l’adoption d’un décret de préoccupation à l’intention de la Régie de l’énergie (Régie) afin de présenter la vision gouvernementale quant au positionnement de la filière éolienne dans le portefeuille énergétique du Québec pour les années à venir.

Le décret est une première étape menant au lancement, par Hydro-Québec, d’un appel d’offres pour de nouveaux approvisionnements permettant de répondre, dès 2026, aux besoins à long terme en énergie et en puissance. Selon la vision présentée, l’appel d’offres devra prévoir un bloc de 300 mégawatts réservé à l’énergie éolienne.

Voici les principaux faits saillants du décret[14] :

  • une participation du milieu local et des communautés à l’actionnariat du projet à hauteur d’environ 50 %;
  • une maximisation du contenu québécois du projet en visant 60 % des dépenses globales;
  • une maximisation du contenu régional du projet, soit en provenance de la MRC où il se situera, ou encore de la MRC de La Matanie ou de la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, en visant 35 % des dépenses globales;
  • un approvisionnement à long terme, avec des contrats d’une durée de trente ans.

Le gouvernement du Québec a réitéré qu’en raison de la croissance de la demande d’électricité, la filière éolienne sera à nouveau sollicitée pour combler les besoins énergétiques du Québec, alors que d’autres appels d’offres pour de l’énergie renouvelable seront lancés sous peu. Les besoins supplémentaires prévus d’ici 2029 s’élèvent à au moins 1400 mégawatts et 1,5 térawattheures, dont une partie importante sera réservée spécifiquement à l’éolien.

À la lumière de ces récentes décisions et déclarations, les acteurs de l’industrie entrevoient avec enthousiasme la nouvelle phase de déploiement du secteur éolien et offrent leur pleine collaboration dans ces nouveaux projets.


[1] https://www.quebec.ca/gouv/politiques-orientations/plan-economie-verte/

[2] https://canwea.ca/fr/marches-eoliens/quebec/

[3] https://canwea.ca/fr/marches-eoliens/quebec/

[4] Étude des impacts économiques et financiers de l’exploitations des parcs éoliens au Québec, Rapport Aviseo, juin 2018, page 9.

[5] Idem. Page 11

[6] Idem. Page 12

[7] Idem. Page 14

[8] Données en date du 10 novembre 2020

[9] https://boralex-global.imgix.net/Rapport-intermediaire-T3-2020.pdf (page 6)

[10] https://www.lazard.com/perspective/lcoe2019/

[11] https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2019/May/IRENA_Renewable-Power-Generations-Costs-in-2018.pdf?la=en&hash=99683CDDBC40A729A5F51C20DA7B6C297F794C5D

[12] https://about.bnef.com/new-energy-outlook/

[13] Les prix moyens d’énergie éolienne n’incluent pas les coûts de transport et d’équilibrage
Sources : http://www.hydroquebec.com/4d_includes/la_une/PcFR2008-053.htm, https://www.newswire.ca/fr/news-releases/appel-doffres-visant-lachat-de-500-mw-denergie-eolienne–hydro-quebec-distribution-retient-12-soumissions-totalisant-2914-mw-507213891.html, http://nouvelles.hydroquebec.com/fr/communiques-de-presse/697/appel-doffres-visant-lachat-de-450-mw-denergie-eolienne-hydro-quebec-distributionretient-3-soumissions-totalisant-4464-mw/, https://www.newswire.ca/fr/news-releases/partenariat-historique-avecla-nation-innue-le-quebec-va-de-l-avant-avec-l-important-projet-eolien-apuiat-de-200-mw-815468552.html

[14] https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/nouveaux-approvisionnements-denergie-renouvelable-le-ministre-julien-place-la-filiere-eolienne-au-coeur-de-la-transition-energetique-33403

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